Lost In Rejection

En ce moment chez Joi Ito, un rappel de la campagne lancée par asianmediawatch.net (désolé s'ils ont du mal avec les majuscules), dont la mission proclamée est de promouvoir une image juste et équilibré des asiatiques américains dans l'industrie du divertissement (sous-entendu américaine). Pendant qu'ils applaudissent mollement "Le dernier samurai", louant néanmoins le fait que le film grâce à notre ami scientologue (vous savez, le suiveur de L. Ron Hubbard, roi de l'essai clinique) pourrait amener beaucoup de personnes à apprécier la culture japonaise, Lost In Translation a droit à une charge en règle. Concernant l'avis sur "Le dernier samurai", réduire la culture japonaise à la période Meiji ainsi dépeinte, même si elle reflète le plus important mouvement d'ouverture volontaire vers l'extérieur, est un point de vue assez réducteur. En même temps, le dernier film à gros budget impliquant auparavant une présentation du Japon était il me semble "Pearl Harbor"... belle image. Mais apparemment asianmediawatch n'existait pas à cette époque.

Ce groupe décide donc, devant les nominations honteuses de Lost In Translation aux Golden Globes, d'ouvrir le site http://www.lost-in-racism.org en réponse à ces attaques. Les reproches portent à peu près sur toutes les scènes où on voit des japonais : la call-girl, le tournage, l'émission télé, le karaoké... où ils assènent que les japonais sont présentés comme petits, basanés, incapable de parler anglais correctement, dédaignés dans leurs attitudes, etc... Je me demande sincèrement avec quels yeux ils ont vu ce film. Pour ceux qui l'ont manqué, Lost In Translation est l'histoire de deux américains, l'une au début de son mariage, l'autre marié depuis 25 ans. Les deux sont à Tôkyô, et à la rigueur du point de l'histoire, ce serait Copenhague ou Prague ça reviendrait au même. Lui est là pour le pognon, encore en plein décalage horaire, et elle a accompagné son mari, photographe complètement branchouille et méprisant des gens pour lesquels il travaille (des japonais). Les deux sont pendant la période du film des paumés finis flottant dans un monde un peu irréel. Lui plane à dix milles quand sa femme lui parle de choisir sa nouvelle moquette (qu'a-t'il fait de l'ancienne ?) tandis qu'elle passe son temps en slip dans sa chambre à regarder la ville par la fenêtre.

Et en face de ça, on retrouve nos japonais, qui eux ne sont pas là en touristes, travaillent, vivent et s'amusent. Que voit-on à travers les yeux de ces deux zombies ? Des jeunes qui vont en boîte et des salles de jeu, ciel ! Et on trouve des call-girls dont la principale qualité n'est pas la maîtrise des langues étrangères, incompétents ! Et d'autres chantent à moitié juste au karaoké, outrage ! Et le japonais est en moyenne plus petit que Bill Murray (1m84), racistes !!!

Maintenant, le personnage le plus drôle du film est à mon sens la petite vieille à l'hosto (amis du politiquement correct, remplacez ce qui précède par "représentante éminente du troisième âge avancé"), et elle n'est pas drôle à ses dépends. Derrière son accoutrement c'est la tendresse qui passe, pas la moquerie. En se focalisant sur deux ou trois traits un peu ironiques et peut-être blessant sur les japonais (et la fronde asiatique en dehors de ces agités n'a pas l'air très sévère), ils oublient de voir que la critique est réellement acerbe envers les américains : paumé, alcoolique, requin, anorexique, superficiel, m'as tu vu, méprisant, toute la galerie y passe. Le guindage puritain actuel des soit-disant anti-racistes est vraiment nauséabond.