Communication autour de la loi sur la laïcité à l'école

Il faudrait prévenir France 2 et les autres médias... l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école n'est qu'un projet de loi. Et quand on dit projet, il n'apparaît même pas dans les propositions de loi. On notera pourtant sur cette page la proposition n°1305 " visant à interdire le port de vêtements religieux à toute personne investie de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public dans l’exercice de ses fonctions", la proposition n°1227 "visant à interdire le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques à l’école" : de ces propositions là, on ne parle pas.

Quid des projets de loi déposés à l'Assemblée ? Rien évidemment. Alors tout ce battage pour quelque chose qui est loin d'être voté : une partie de la Mission d'information sur la question du port des signes religieux à l'école. Les propos de Luc Ferry aujourd'hui stigmatisant les collégiens barbus et celles qui oseraient mettre un bandana pour contourner une loi qui n'existe pas ? Une "Audition, ouverte à la presse, conjointe à la commission des affaires culturelles et à la commission des lois, de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, sur l'application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics". Serait-ce la présence de la commission des lois qui les émeut ? Pourtant, cette proposition de projet n'apparaît pas dans les comptes-rendus des travaux de cette commission.

Que nous reste-t'il à nous mettre sous la dent à part le discours de l'escroc :

Pour cela une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu'elle soit adoptée par le Parlement et qu'elle soit pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine. Dès maintenant je demande au Gouvernement de poursuivre son dialogue, notamment avec les autorités religieuses, et d'engager une démarche d'explication, de médiation et de pédagogie.

Il souhaite que la loi nécessaire soit adoptée par le Parlement... adoptée par qui sinon ? Mise en œuvre dès la rentrée 2004, ça veut dire bousculer le calendrier Parlementaire pour la loi de monsieur : on rappelle qu'en France, les lois sont à l'initiative du Premier Ministre et du Parlement, pas du Président de la République, ni des Ministres. Puis il demande poliment aux chiens-chiens du gouvernement de mettre en œuvre la propagande. Il poursuit d'ailleurs en donnant l'exemple :

Nous ne pouvons pas accepter que certains, s'abritant derrière une conception tendancieuse du principe de laïcité, cherchent à saper ces acquis de notre République que sont l'égalité des sexes et la dignité des femmes. Je le proclame très solennellement : la République s'opposera à tout ce qui sépare, à tout ce qui retranche, à tout ce qui exclut !

Sépare toi de ton foulard ou on t'exclut ! Alors ce projet de proposition de loi, mauvaise réponse à un vrai problème ? Jacques Chirac s'appuie sur le rapport au Président de la République de la Commission de Réflexion sur l'Application du Principe de Laïcité dans la République pour affirmer qu'une loi est "évidemment nécessaire". Prenons quelques passages marquants de ce rapport.

L’Etat laïque, garant de la liberté de conscience, outre la liberté de culte ou d’expression, protége l’individu ; il permet librement à tous de choisir, ou non, une option spirituelle et religieuse, d’en changer ou d’y renoncer. Il s’assure qu’aucun groupe, aucune communauté ne peut imposer à quiconque une appartenance ou une identité confessionnelle, en particulier en raison de ses origines. Il protège chacune et chacun contre toute pression, physique ou morale, exercée sous couvert de telle ou telle prescription spirituelle ou religieuse. (p 14)
Si elle se limite à une conception étroite de la neutralité par rapport à la culture religieuse ou spirituelle, l’école contribue à la méconnaissance des élèves en ce domaine et les laisse désarmés, sans outil intellectuel, face aux pressions et aux instrumentalisations des activistes politico-religieux qui prospèrent sur le terreau de cette ignorance. Remédier à ces carences est une urgence sociale. En cela, l’école doit permettre aux élèves d’exercer leur jugement sur les religions et la spiritualité en général dans la multiplicité de leurs manifestations, y compris leurs fonctions politiques, culturelles, intellectuelles et juridiques. (p 15)
L’Etat laïque ne peut rester indifférent, dès lors que des troubles à l’ordre public, l’exercice de pressions, de menaces, des pratiques racistes ou discriminatoires, sous le prétexte d’arguments religieux ou spirituels, sapent les fondements de l’école. (p 15)
La France n’est pas seule à connaître cette conjonction difficile entre deux phénomènes simultanés : la panne de l’intégration sociale et la mutation du paysage religieux ou spirituel. Au-delà du mot laïcité, le problème est commun à l’ensemble de l’Europe : faire leur place à de nouvelles religions, gérer une société diverse, lutter contre les discriminations, promouvoir l’intégration et combattre les tendances politico-religieuses extrémistes porteuses de projets communautaristes. (p 35)

Ces citations sont forcéments parcellaires étant donnée la longueur du rapport. Ce que j'en retiens néanmoins, c'est d'une part la volonté de légiférer et d'autre part... la volonté de légiférer. En dehors des rappels historiques, ce rapport est une litanie sur la faillite de l'intégration et l'incapacité des pouvoirs publics à faire respecter la laïcité d'une part, et la loi d'autre part. Dans sa conclusion on trouve des mesures très concrètes, non polémiques et qui au premier abord paraissent permettre de faire avancer le problème. On parle peu de celles-là. A la place, on met en avant cette excommunicatoin des signes ostentatoires. Le prosélytisme c'est tenter de convertir quelqu'un à ses idées, d'imposer ses convictions avec zèle. Je ne pense pas convaincre grand-monde en allant demain au travail avec une kippa, un col romain ou en me laissant pousser la barbe. Je ne pense pas non plus qu'on ai besoin d'avoir recours à un nouveau Code pour traiter les problèmes engendrés. La focalisation sur ces signes extérieurs ne trahissent qu'une chose : l'ampleur du désarroi de nos élus face à ces problèmes.

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1. On Wednesday 21 January 2004, 16:57 by

Recently Andy and Kame both blogged...

[Trackback] Recently Andy and Kame both blogged about this issue, haven't checked Merde in France yet, but I'm sure he has an opinion as well. The issue is hardly recent. I remember in the late eighties, Mitterand's wife made some noise about standing up for the r...