La Chine, méfiez-vous des contrefaçons

La Chine, nouvel Eldorado, 10% de croissance par an... depuis plus de 20 ans. Comment ne pas être les maîtres du monde après toute cette croissance ? C'est simple, il faut partir de très bas, un grand bon en avant et deux ou trois autres événements aussi anecdotiques suffiront. La Chine donc, il suffit d'ouvrir ses oreilles, ça explose, c'est LE marché, c'est le présent, c'est l'avenir. Ami entrepreneur bronzé, tu sais où tu as le devoir d'aller. Bon, c'est aussi un peu le passé, mais nul n'a le droit de présenter la Chine sous un point de vue économique défavorable de nos jours. Quoique, certains se le permettent, mais cela arrive dans des médias à diffusion de portée relativement restreinte.

Ce pays merveilleux donc, où il suffirait d'un peu de sueur, et tel un rêve capitalise, une armée de main d'oeuvre de bonne humeur, compétente et sous-payée se ruerait pour augmenter vos profits. Si si, ne riez pas, c'est vraiment décrit comme ça... enfin je ne sais pas si c'est décrit comme ça, mais apparemment de nombreuses personnes pensent que ça se passe comme ça chez Mc Jintao. L'information de base n'est évidemment pas loin pour ceux qui cherchent un peu. Ayant assisté récemment à une présentation sur les difficultés, besoins, atouts et conseils des PME désirant s'installer en Chine, il est intéressant de faire un petit tour sur quelques clichés évoqués lors de cette réunion, et d'autres parmi ceux qui s'installent dans le coin. Certains de ces clichés viennent de l'effet de mode actuel, d'autres viennent tout simplement d'une méconnaissance avancée de l'exterême-orient, où chinois, cambodgiens, vietnamiens, japonais, coréens, etc. se retrouvent dans le même panier.

Un pays qui vous accueille à bras ouverts
La Chine aime les capitaux étrangers, c'est certain. Mais tout le monde n'y est pas le bienvenu : noir, japonais, malaisien, indien d'Inde, ne pas espérer de quelconques faveurs, le tout restera à un niveau strictement commercial, pour le reste passe ton chemin.
Le pays où le travail est moins cher
Souvent, les entrepreneurs qui s'installent dans les grands centres économiques espèrent payer les employés comme dans la campagne chinoise. Ca ne fonctionne pas comme ça évidemment, et la surprise peut être importante.
Un marché énorme ! 1,3 milliards de personnes !
Cela varie selon les études, mais pour les entreprises étrangères, le marché accessible se situe aux alentours de 200 millions de personnes, le reste de la population étant trop pauvre ou privée de moyens de communications suffisants. Ce marché est en plus réparti sur grosso-modo toute la côte est, plus des zones dans les terres, sur lequel il vaut mieux manipuler plusieurs langues (mandarin et cantonais si on veut toucher le sud)... et ce marché est régionalisé (non, pas le Népal, le Ningxia, le Sichuan ou toutes ces autres régions de pauvres). Une Chine unifiée, mais pas une Chine uniforme.
Le chinois, une bête de travail !
Le chinois avant d'être une bête (de travail ou autre) est un humain. Il n'est pas comme l'américain qui travaille 70 heures par semaine (pour quelle productivité ?), summum de la réussite sociale, ni comme le français qui travaille 35 heures (d'ailleurs j'attends qu'on me présente un français aux 35 heures à qui on paye ses heures sup'). La législation chinoise est à 40 heures par semaines et trois semaines de congés payés. Sauf que 40 heures par semaine, le chinois met volontiers les pauses dedans. Et les siestes, c'est sacré les siestes. Et les trajets aussi quand ça l'arrange.
Le chinois, un employé modèle
Différence de mentalité, de culture, de je ne sais pas encore bien quoi, mais le chinois n'en a à peu près rien à faire de la qualité de son travail. C'est assez hallucinant. Le chinois aime déclarer avec un sourire à la Wallace une tâche "finie", quand nous déclarons que la première passe est faite. En conséquence la confiance a du mal à s'installer, et la nécessité du contremaître constamment sur le dos des autres se fait sentir.
Je vais être le premier sur le marché !
A cela deux réponses possibles : le marché n'est pas mûr et les vrais premiers se sont bananés et ne sont plus là, ou l'étude de marché est insuffisante.
La Chine c'est la flexibilité du marché de l'emploi, ça ne peut-être que bien !
C'est bien quand on se base sur le modèle (dépassé ?) de l'entreprise à la française, avec un patron qui met les mains dans le cambouis, envers qui les salariés éprouvent un certain engagement, une certaine fidélité. Ici rien de tout ça, c'est une relation employeur/employé beaucoup plus libérale : le salarié peut gagner 10 euros de plus ailleurs, il part et n'effectue pas son préavis. Le salarié n'apprécie pas les lenteurs administratives, il s'en va. C'est un excellent élément ? Et bien il va falloir se battre pour le garder, dès qu'il a conscience de sa valeur, il fait monter les enchères... quand il y a enchère. Le salarié chinois a tendance à penser qu'il n'a pas de compte à rendre à son patron, surtout quand celui-ci est étranger. C'est très flexible, mais ça ne correspond pas au modèle culpabilisant et avilissant en vogue à l'heure actuelle ; un modèle auquel on n'est pas habitué. Est-ce mieux ? Je n'en suis pas sûr.
La Chine, plaque tournante du commerce, il faut y être !
Il y a du volume c'est indéniable. Shanghaï est en train de devenir (si ce n'est déjà fait) le premier port de commerce du monde. Des milliers de containers chargés de produits manufacturés de qualité inférieure sont expédiés tous les jours. Et même si dans le port d'Amsterdam y'a les marins qui dansent au son de l'accordéon rance, dans le port de Shanghaï y'a les marins qui s'ennuient au bruit du roulis. Un port sans âme.
1,3 milliards d'employés potentiels ! Le recrutement facile !
Effectivement, si vous voulez recrutez des agriculteurs, vous êtes dans le bon pays. Maintenant si vous espérez trouver Barbarella en bac+5 avec 10 ans d'expérience, bilingue chinois/anglais, ça devient très difficile. D'abord parce que Barbarella n'est pas bridée, et qu'avec 10 ans d'expérience elle n'est déjà plus dans sa première jeunesse. Et il y a d'autre raisons à celà. Tout d'abord un système universitaire qui est encore en phase de rémission par rapport à la révolution culturelle, et qui au passage a perdu une bonne trentaine d'années au niveau pédagogie et équipements. Le système d'envoi d'étudiants à l'étranger, avec ceux-ci qui reviennent, est encore relativement récent : ne pas espérer de trouver de chinois de Chine ayant étudié à l'étranger il y a plus de 7 ou 8 ans. La population d'employés potentiels est donc restreinte aux zones avec de l'enseignement supérieur, et avec des personnes plutôt jeunes, issue de la génération des petits empereurs. En terme de positionnement, ils sont en tout cas loin d'être des seniors, et en terme de travail en équipe, ce n'est pas la panacée que de n'avoir que des enfants uniques.
Je vais m'installer et ça va exploser !
Selon les probabilités actuelles : non. Compter entre deux ans et trois ans pour un retour sur investissement, même en optant pour la formule la moins chère pour la forme de société. Il faut compter le temps d'établir les premières relations commerciales : le chinois fait confiance a posteriori, les autres entreprises attendent des prix à un tarif chinois qu'il sera bien difficile de fournir dans un premier temps. Et n'oubliez pas le temps passé dans les administrations, la valse des tampons ne vous fera plus rien à la fin.
Les français sont la deuxième communauté étrangère à Shanghaï, je vais pouvoir profiter de relations et d'expériences !
La population française est bien la deuxième population étrangère de Shanghaï en nombre, mais ça n'est pas une communauté. Sortons dix secondes du modèle bucolique de l'expatrié à la Libé, et vous aurez non pas l'expatrié, mais les expatriés français : étudiants en stages, vieux routards de la Chine, les expats packagés, ceux qui viennent pour le pays, ceux qui viennent pour le business et les deux ou trois "l'herbe est plus verte" attirés par le reportage de Capital. Le français qui vient pour le business est très souvent représentatif de l'expat über-français : il a tout compris, son point de vue est LE bon, il n'a de conseil à recevoir de personne, et il est bien content d'être parti de ce pays d'abrutis qui se complaisent dans les 35 heures, dernier barreau enlevé sur l'échelle de la France qui toooooooooooombeut. Bref, toute tentative de collaboration, de mutualisation des efforts est un aveu de faiblesse. N'espérez même pas compter sur la préférence compatriotique, si un allemand lui propose le même service pour 10 centimes de moins, il n'hésitera pas à vous poignarder dans le dos (rappelez-vous qu'il a compris, lui). Evidemment l'allemand, lui, mutualise et fait jouer d'abord le réseau des compatriotes avant d'aller voir ailleurs : ils n'ont sans doute pas compris.

La Chine ça n'est pas vraiment le Club Med, ni même le bonheur si je veux. Pour celui qui veut toujours venir, été comme hiver il faudra sortir la paire de gants et mettre les mains là où ça tâche (non, pas dans le gros rouge !), et tenir bon.

Comments

1. On Saturday 5 November 2005, 19:32 by Bouilloire

Rolala tout sans dire qu'il s'agit du dis-moi dix mots de Dame Kozlika... bravo en tout cas :)

2. On Saturday 5 November 2005, 20:44 by dda

Le Népal comme région de Chine et l'acordéon rance m'avait bien mis un peu la puce à l'oreille :-)
0 + 2 = je stresse

3. On Saturday 5 November 2005, 22:36 by Damien B

Oui, gros plantage... le Népal au lieu du Tibet, la honte... En même ici ils disent bien que Taïwan est en Chine. Il va falloir que je trouve un moyen de le recaser différemment, flûte.