Pour une giflette

Au début, ce post ne devait être qu'un commentaire à l'article Pour une gifle sur le blog d'edaSFR. Et puis de toute façon, ça n'aurait donné lieu qu'à un ersatz de discussion complètement stérile (comme ici), donc autant faire vivre ce blog. Vous l'aurez compris, mieux vaut lire l'article initial avant de lire celui-ci.


Le juge parle de violence des outrages, d’atteinte inacceptable, et même de termes particulièrement odieux. On parle là des paroles (contestées) du jeune.

Le jugement cite 4 points : la contestation de l'autorité (qui n'est pas ponctuelle), le tutoiement, l'insulte et l'aspect public ; donc on ne parle par que des paroles du jeune. Et pour l'aspect "contestées", le jugement s'en explique aussi... (et au passage, il sait par son conseil que ne seront retenus que les propos d'avant-gifle, donc ça ne le gêne pas de valider les "fils de pute, je vais niquer ta mère").

Nous sommes même dans le vocabulaire courant que pas mal de jeunes utilisent entre eux en toute amitié.

Et le jeune courant se balade avec des couteaux à steak pour planter ses potes en toute amitié quand il est contrarié aussi ? :-D Plus sérieusement ça ne tient pas : si il lui parle comme à ses potes, c'est justement constitutif de la contestation d'autorité.

Le juge ose même qualifier la gravité par le fait qu’il y ait tutoiement.

En même temps, c'est un peu une constante des programmes de l'éducation nationale d'enseigner la distinction entre le tutoiement et le vouvoiement en terme de distance par rapport à l'autre. Donc là on dit qu'en plus ce jeune est un cancre qui n'a jamais assimilé cet apprentissage qui date de l'école primaire.

La disproportion est flagrante quand la gifle du maire est elle qualifiée d’inoffensive.

C'est vrai que si le baptême marque au fer rouge, pour une gifle qui laisse une vague rougeur on est près du martyr là :-D (note : c'est une référence à une discussion passée sur l'effroyable trace que laissait dans la chair le baptême)

Là où dans les textes le fait qu’une violence soit faite par un représentant est normalement une circonstance aggravante, elle passe ici comme attenante.

De même que dans les textes, quand tu attaques un représentant de l'état c'est plus grave que quand tu t'attaques à un concitoyen. Ça marche dans les deux sens.

Comment voulez-vous que ce jeune ait foi en la justice et en l’autorité si on a une telle différence de traitement ?

C'est vrai qu'on voit bien que ce jeune a tellement foi en la justice qu'il s'en est remis au couteau à steak avant même de penser qu'il y aurait pu y avoir un procès pour le défendre. Je pense qu'il y a plusieurs étapes à franchir avant de parler d'une quelconque foi en un système judiciaire pour régler ce qui est une querelle de voisinage.

Encore plus choquant, le fondement de l’argumentation du juge tient beaucoup autour du fait qu’il y a eu remise en cause de l’autorité et manque de respect, que c’était en public, avec l’argumentation implicite que du coup on ne pouvait pas laisser passer.

Ce qui est implicite dans le jugement c'est que la remise en cause de l'autorité est répétée, et ce qui est aussi implicite c'est que le juge a considéré que si il n'y avait pas eu les potes du jeune ("les fils de putes" comme on dit entre djeunz), le type de 63 ans se serait fait tabasser (au mieux) ou planter (au pire) parce qu'il avait eu l'outrecuidance de le toucher.

Là on entre dans l’idée qu’il est légitime et même légal de répondre physiquement à un manque de respect.

Vu les gens dans les transports en commun, il est effectivement totalement légitime d'être dix fois plus violent que cette gifle pour dix fois moins de manque de respect (comme ne pas s'écarter assez vite du passage).

Je rappelle que les professeurs subissent des agressions verbales bien plus fortes que celle dont on parle, et ça très régulièrement. Est-ce que nous accepterons que ces derniers puissent donner des gifles à des lycéens en réponse ?

Ils leurs donnent des heures de colles : c'est physique, et c'est de la privation de liberté, donc c'est aussi intellectuel. C'est violent à double titre si on va dans cette voie-là. Accepter qu'il puisse donner une gifle à un lycéen sans réponse : oui, si c'est à titre personnel et si ça peut changer les choses. Mais c'est vrai qu'il vaut mieux se retrouver sous anti-dépresseurs à vie (mais sans contact physique, en tout bien tout honneur), que de filer la baffe qui fera la différence. Après le parallèle trouve vite ses limites entre ce jeune et sa relation individuel avec ce maire dans une petite commune, et les microcosmes des classes dans les lycées.

Est-ce que ce même jeune aura droit de gifler le maire quand ce dernier lui manquera de respect en le tutoyant ?

Oh oui. Mais le danger c'est plutôt que le maire s'en prenne une parce qu'il a vouvoyé le jeune et que l'autre se sent insulté parce qu'on ne lui parle pas en djeunz fils de pute en toute amitié :-D

Là c’est une farce à deux poids deux mesures, indigne de l’objectivité de notre justice.

Objectivement y'a pas de quoi fouetter un chat. Après, il faudrait trouver le jugement qui condamne un citoyen adulte pour avoir donné une tape sur le bras d'un agent de l'autorité de l'état mineur, alors que cet agent le bravait de manière répétée.

Comments

1. On Saturday 13 October 2012, 11:00 by lalou

J'ai tout lu, j'en avais évidemment entendu parler et je ne vais pas rentrer dans les détails, ce serait sans fin. J'aimerais avoir la définition exacte de "manque de respect" selon les générations parce qu'on a l'impression qu'elle très différente selon l'âge qu'on a. Les excuses, ça existe et elles peuvent être un palier avant de passer devant un juge. Il y aurait tant à dire, j'avoue que je suis sidérée par l'impact qu'une gifle peut avoir (sur son ego ?) quand on entend un nombre invraisemblable d'injures et de grossièretés auxquelles on n'a pas intérêt à répondre !!

2. On Monday 22 October 2012, 16:45 by Zap

Quand je me prends un "j'm'en bats les couilles" par mon voisin qui fait du boucan à 2h du mat (en semaine) je n'ai ni envie de vouvoiement, ni de justice, juste d'une grenade ou d'une île déserte.

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