Nous sommes fin septembre. J’ai quarante ans et douze heures. Il fait encore assez doux pour se baigner. Maman part chercher des glaces. Je vois sa magnifique chute de reins se fondre dans la foule du bar de la plage. Tu te tartines les joues aux barquettes framboises et tes yeux bleus empêchent tout reproche. Tu m’as manqué toutes ces années. Je te le dis mais tes pensées ne vont qu’aux berlingots de jus d’orange planqués dans le sac. Tu crocodiles Haribo. Tu es un ventre ma fille. Alexis me fait sa première crise d’ado. Promets-moi de ne jamais soutenir l’OM ma Chloé.

Après le goûter on se bataille de crème solaire avec Maman. Tu prends sa défense et me jette le sable d’une des tours de notre château. Je pars me rincer dans l’eau. Je compte jusqu’à cinq et je plonge. Je fais un plat.

Il y a de la mousse verte sur la bouée. La chaîne est rouillée et me déchire les doigts. Le sel me brûle les yeux. J’ai oublié mes lunettes. Je fais la planche ; je fais la baleine. Je vous vois au loin. Vous me faîtes signe. Je vous prends en photo pour de faux. Clic. La photo est floue. Une autre. Clic. Parfait.

Je crois que l’on a dormi après. Avant de rentrer je jette un dernier coup d’œil à la plage, au grand-père vissé à son transistor, aux vagues impuissantes. Le soleil commence son cache-cache avec les rochers. Il fait encore assez doux pour se baigner. Sur une carte postale j’écris que je vous aime. Je mets du sable dans l’enveloppe. J’espère qu’elle arrivera avant nous.

J’ai quarante ans et seize heures. Il fait encore assez doux pour se baigner.