Zapclub

Newton

On était plusieurs comme cela, plein en fait, à tomber et retomber, indéfiniment. Les cascadeurs qu’on aurait pu nous appeler. Et dans la clique certains se relevaient plus vite que d'autres, histoire de faire les forts, les insensibles, des foutaises. Même au plus bas y’en avait encore des qui frimaient et c’était sans doute les plus malheureux.


Et plus tard, quand on avait enfin compris la pesanteur et l'autre con de Newton, on ne scrutait même plus le ciel et les nuages qui ressemblent à des moutons. On regardait juste devant soi et c'était tout et c’était pas terrible mais on chutait de moins haut. Ca faisait moins de blessures.


Mes embouteillages préférés...





Julien

Il est blond et il s'appelle Julien. On parle de lui. Beaucoup même, et partout, c'est important, c'est un blond. Une belle victoire d'un beau blond avec une belle présentatrice blonde pour faire ton sur ton. Une conne certes, un peu vulgaire, pas grave. Cela faisait longtemps les blonds ou les blondes depuis la ménopause d'Elodie Frégé. Cela suffisait les grosses et les tortues. Alors vive les cheveux blonds, les yeux bleus, les dents blanches, toutes ces couleurs qui vont bien.

Zap, brun, yeux verts, dents jaunes, qui chante faux dans son bain - quand il daigne se laver. C'est sale les bruns et moche. Faut pas leur en vouloir.

Boulevard de la loose


Laisse tomber les filles,
Laisse tomber les filles,
Un jour ça te jouera un mauvais tour.

Laisse tomber les filles,
Laisse tomber les filles,
Tu le paieras un des ces jours.


Serge Gainsbourg (1964)

N&Bato













D'un Parisien qui aime Paris

Je m'étais assis à la terrasse de l'un des cafés vis-à-vis du stade Charléty. J'échafaudais toutes les hypothèses concernant Philippe de Pacheco dont je ne connaissais même pas le visage. Je prenais des notes. Sans en avoir pleinement conscience, je commençais mon premier livre. Ce n'était pas une vocation ni un don particuliers qui me poussaient à écrire, mais tout simplement l'énigme que me posait un homme que je n'avais aucune chance de retrouver, et toutes ces questions qui n'auraient jamais de réponse.

Derrière moi, le juke-box diffusait une chanson italienne. Une odeur de pneus brûlés flottait dans l'air. Une fille s'avançait sous les feuillages des arbres du boulevard Jourdan. Sa frange blonde, ses pommettes et sa robe verte étaient la seule note de fraîcheur dans ce début d'après-midi d'août. A qui bon de tâcher de résoudre des mystères insolubles et poursuivre des fantômes, quand la vie était là, toute simple, sous le soleil ?


Patrick Modiano, Fleurs de ruine