Zapclub

Quelque part là-haut, en Normandie

Détends-toi, Papy. Détends-toi. Le soleil innonde ta chambre et tu seras bientôt libéré de tes perfusions et de ton oxygène. On n'a pas eu le temps de se dire au-revoir. Les mots manquaient, le temps aussi. Fais-toi beau. Là où tu pars, ça doit ressembler à la maison de Damville les jours d'été. Tu iras chercher un peu d'ombre sous le noyer tandis que Mamy fera la guerre aux mouches sous la véranda. Tu choisiras une voiture. J'aimais bien la Renault 18 bleu marine. Tu auras un vélo aussi et des outils pour le bricoler ; un étau, des clés plates. Il y aura une radio aussi, pour la musique, pour danser. Tu te souviens quand Mamy écoutait UB40 ?

Tu viendras nous voir de temps en temps. Tu verras la soeur de Raphaël et le baccalauréat d'Alexis. Tu nous feras signe les jours où tu nous manques. Tu me verras devenir Papy à mon tour et tu me préviendras si je tourne vieux con. J'étais fier de toi tu sais.


La dernière balade

L'Opel Astra dévalait les routes de Bourgogne et je te voulais à mes côtés. Je regrettais de ne t'avoir enlevé de ta chambre. Quelques provisions, le plein, le périphérique et nous aurions quitté cet enfer de soins et de regards perdus.

Je me souvenais de nos vacances en juillet, du carnet où l'on notait les quantités d'essence et les kilomètres parcourus. Je me souvenais d'Argelès, du vent que j'appelais train-montagne. Une année nous avions trouvé un moineau blessé près de la mer et avions improvisé un nid de fortune. J'avais demandé au petit Jésus de faire quelque chose et Mamy m'avait promis qu'il serait guéri bientôt. Le petit Jésus, ça marchait, c'était obligé.

Je n'ai plus l'âge de croire aux miracles. Je te donnerais bien quelques années de ma vie, moi qui ne sais rien en faire. Je n'aime pas te voir là-bas. Je n'aime pas ton impuissance, notre impuissance. Le couloir de la chambre à la salle à manger est devenu une expédition. Nous ne ferons donc pas ce voyage. J'espère que tu retrouveras Mamy là-haut et que vous serez de nouveau heureux, que vous vous tiendrez la main comme au parc, comme avant. Je demanderai cela au petit Jésus le jour où tu t'endormiras.