Zapclub

Lonely Cynical Planet

Il y avait les bobos occasionnels qui venaient passer Noël à la roots avant de redevenir webmaster dans le 11ème ou à Soho. Il y avait les Anglo-Saxons dans leur gap year, la traditionnelle année sabbatique d'après le bac. La plupart planifiaient leurs étapes, avec billet retour à date fixe. On ne part pas vraiment si on sait quand on rentre. C'était le point de vue des longs termes comme Hollie ou Maïa. Ils sont de plus en plus nombreux, les vrais itinérants. C'est une nébuleuse mouvante qui se recrée ses codes sociaux en marge du confort sédentaire occidental. Une tribu comme une autre, armée de sac à dos et de bonnes intentions. Avec la découverte de l'Autre et d'Ailleurs comme sacerdoce, la ganja au petit déjeuner et le premier ecsta en guise de madeleine. Globalement détendus et curieux, tolérants. Bref une sacrée bande de branleurs.

On peut parler de néohippies même si plus personne n'écoute le Jefferson Airplane. Ca pioche un peu partout dans les cultures technos, rasta, skate et bouddhiste pour se constituer un folklore. Comme toute tribu, ils ont leur mythologie. La Genèse à Woodstock, Bob Marley en saint patron. Néohippie j'avais rien contre, dans une certaine limite de délire, et sans le déguisement. Sympathisant de la cause et sans prendre ma carte. Compagnon de route.

Ils ont aussi leurs pénibles, mes travellers. Ceux qui parlent trop, les prosélytes, les messagers, les moralistes qui ne comprennent pas qu'on puisse manger de la viande, ceux qui vont chez les Indiens pour leur expliquer la vie. Ceux qui pensent sincèrement qu'on va changer le monde en adoptant une attitude. Les plus caricaturaux courent derrière les golden sixties en suivant les « Rainbow Gathering », ces grand-messes écolo-baba où on fait des rondes Krishna en se vautrant dans la boue. Panthéons inaccessibles.

Tous on s'agite en vain. On a plus rien à construire. Le monde est déjà fait. Indestructible, moche, trop fort pour nous.

C'est comme le voyage : terminé. Nos parents partaient à Katmandou en 2CV, ça demandait un grain de folie ou des couilles en bronze. Pour nous c'est facile, trop facile.

Avec une carte de crédit, on a tout à portée de main, l'exotisme, les putes, la drogue, la plongée sous-marine, internet et le frisson. Dans n'importe quel trou du cul du monde. Le charme est rompu. L'aventure est morte, depuis longtemps étouffée par la massification du tourisme et les connards de photographes qui vendent le désert sur papier glacé. De nos jours il faut être trafiquant de drogue ou sportif extrême pour « sortir des sentiers battus ». Nos périples sont devenus des courses à l'authenticité, en contre la montre.


Julien Blanc-Gras, Gringoland


Une Delorean pour Noël

Parties de Tennis GameBoy (1989) en écoutant Homework de Daft Punk (1997). Des époques où Raphaël Nadal n'avait pas encore de palmarès.