On l'a enterré une semaine après, au cimetière marin, devant l'église de Guéthary, parmi les croix penchées, sous la pierre où ma grand-mère l'attendait déjà, avec vue sur l'océan derrière les collines ; les vallons verts mariés au bleu profond de la mer. Pendant la cérémonie, ma cousine Margot Crespon, jeune comédienne à fleur de peau, a lu une contrerime de Toulet (poête opiomane qui repose dans le même cimetière que mon grand-père morphinomane) :

Dormez ami ; demain votre âme
Prendra son vol plus haut.
Dormez, mais comme le gerfaut,
Ou la couverte flamme.
Tandis que dans le couchant roux
Passent les éphémères,
Dormez sous les feuilles amères.
Ma jeunesse avec vous.


J'avais choisi ce poême car il ressemble à une prière. En sortant de l'église, j'ai vu le soleil se dissoudre dans les branches d'un cyprès comme une pépite d'or dans la main d'un géant.

Frédéric Beigbeder, Un Roman Français