La stratégie du didjeridou

Une question se pose régulièrement dans nos entreprises de services, rongées par la peur de ne plus rien avoir à proposer : comment faire durer les projets le plus longtemps possible ? Nous ne sommes pas seuls dans cette interrogation : nous accompagnons le client, lui-même dans une expectative. En effet, que faire après l'accomplissement ? Comment passer à autre chose ? Comment envisager le beyond ?

C'est ainsi que nous avons des stratégies, forgées sur des décennies de pratique. L'une d'entre elles est la stratégie du didjeridou, cet instrument de musique aborigène, qui grâce à la respiration circulaire permet de s'évader sans heurt dans le confort ouaté de la stase. Le confort, c'est important, voire primordial. C'est ce qui a causé la perte de la stratégie précédemment en vogue, celle dite de "l'effet tunnel", qui a la même finalité mais avec des conséquences proche de la gueule de bois : rien de tout ça avec le didjeridou, qui est vraiment doux.

Quels sont les principes fondateurs de cette stratégie ? Comment arriver à cette douceur ? Un schéma valant mieux qu'un long discours, voici la boussole de l'ignorance qui va vous permettre de vous orienter dans sa mise en œuvre.

Quelques explications pour combler l'aridité d'une telle représentation, bien que cela aille avec une certaine représentation de l'Australie. A part pour quelques projets conduits sur le principe de la cascade (ou Waterfall en français de La Tech)(ce que je n'ai jamais vu en vingt ans de carrière), un projet se déroule généralement en une succession cyclique de quatre étapes :

  1. la conception : où l'on définit précisément ce que l'on souhaite faire
  2. la réalisation : où l'on fait ce qui a été défini
  3. la réception : où le commanditaire peut profiter de ce qu'il a commandé (ce qui a déclenché la conception)
  4. la rétrospective : où l'on regarde ce qui s'est passé depuis le début du cycle dans une démarche de progrès

A chaque étape est associée une forme de contrôle, dont les noms varient avec le temps et les modes :

  1. DoR : Definition of Ready, un ensemble de règles à appliquer qui permettent de s'assurer que la conception est suffisamment aboutie pour qu'on puisse partir en réalisation
  2. DoD : Definition of Done, un ensemble de règles à appliquer qui permettent de s'assurer que ce qui a été réalisé est suffisamment abouti pour être livré
  3. AQ : l'assurance qualité à la réception, où l'on s'assure de la qualité, c'est-à-dire des caractéristiques, de ce qui a été livré
  4. REX : le Retour d'EXpérience, qui permet de cristalliser les points marquants du cycle, et en particulier de dégager un plan d'actions pour s'améliorer lors du cycle suivant

Avec toutes ces étapes de contrôle, comment peut-on atteindre notre objectif initial d'inachèvement ? C'est la qu'intervient la stratégie du didjeridou, qui est basée sur une gestion de la connaissance centrée sur l'ignorance. Contrairement au Fashion Driven Programming qui est basé sur l'oubli, nous sommes ici sur une gestion douce et consensuelle de la connaissance acquise. On sait que la conception n'est pas suffisamment aboutie ? Poubelle, on passe à la réalisation. On a contrôlé que la réalisation n'était pas finalisée ? Poubelle, on livre quand même. Le commanditaire a vérifié que c'était parti de travers ? Poubelle, de toute façon on aime bien travailler ensemble. On est tous d'accord pour dire que si on ignore les résultats des contrôles on ne pourra pas finir le projet ? Poubelle, est-on seulement ici réellement pour le finir !

Et c'est ainsi que dans une grande respiration circulaire de projet, on peut, sans heurt, sans animosité, sans hard feeling (comme on dit en français de LaTeX), faire durer un projet à l'infini.

Respiration circulaire

Comments

1. On Monday 28 February 2022, 14:36 by Florent

Ah ah ! On sent une certaine lassitude, non ?

They posted on the same topic

Trackback URL : https://www.cynicalturtle.net/kame/trackback/2078

This post's comments feed